L’Association des Écrivains et Auteurs du Tchad (ASEAT) a lancé, ce 14 novembre 2025, un cri d’alarme sur la dégradation avancée du secteur littéraire au Tchad. Face aux journalistes, son président, Sosthène Mbernodji, a dressé un tableau sombre d’une culture « abandonnée », « marginalisée » et soumise à une gestion controversée.
Le responsable a pointé du doigt le ministre du Développement Touristique, de la Culture et de l’Artisanat, Abakar Rozzi Téguil, accusé d’imposer au milieu culturel un climat de « sectarisme » et d’« exclusion ». Selon l’ASEAT, les institutions dédiées au livre — parmi lesquelles la Bibliothèque nationale ou la Maison des Patrimoines culturels — sont confiées à des responsables « sans aucun lien avec les métiers du livre », laissant de côté les cadres formés pour ces fonctions.
Le Mois du Livre et de la Lecture, autrefois considéré comme une grande célébration littéraire, est aujourd’hui, selon Mbernodji, « vidé de sa substance », réduit à des activités sans contenu réel. « L’événement n’a plus rien de livresque », affirme-t-il, évoquant une programmation répétitive, dépourvue d’innovation et déconnectée des acteurs majeurs du secteur.
L’ASEAT s’insurge également contre l’absence de soutien aux écrivains lors d’invitations dans des salons internationaux de premier plan. Paris, Abidjan, Libreville, Cotonou, Niamey ou Conakry : autant de rendez-vous où les auteurs tchadiens auraient pu porter haut les couleurs du pays, mais où ils n’ont pu se rendre faute d’accompagnement. En 2023, le Tchad était invité d’honneur à la Foire du Livre de Ouagadougou ; une opportunité manquée, regrette l’association, faute de soutien logistique et institutionnel.
Dans le paysage national, plusieurs événements littéraires majeurs peinent aussi à survivre. À l’image du festival Souffle de l’Harmattan, régulièrement ignoré par les autorités culturelles. Pendant ce temps, l’ASEAT — pourtant organisation faîtière, forte de plus de 100 membres — ne bénéficie d’aucune subvention de l’État, contrairement à d’autres pays africains où la littérature est soutenue, souligne son président.
Plus inquiétant encore pour les écrivains : la place grandissante accordée par le ministère aux influenceurs des réseaux sociaux, au détriment des hommes et femmes de lettres. « Le visage de la culture tchadienne ne peut pas être confisqué par des tiktokeurs », s’est indigné Mbernodji, y voyant une dérive « dangereuse » pour l’avenir culturel du pays.
Face à cette situation jugée « critique », l’ASEAT appelle le Président de la République, Mahamat Idriss Deby Itno, à intervenir personnellement. L’association demande :
la révocation du ministre chargé de la culture ;
l’organisation des États généraux du livre et de la lecture ;
l’ouverture d’une Maison de l’Écrivain tchadien pour offrir un cadre de travail et de rayonnement.
Le président de l’ASEAT insiste : « La littérature tchadienne est en péril. Il est urgent de redonner au livre sa place dans le développement national. »