vendredi, décembre 5, 2025
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Culture au Tchad : 2025, une année d’ombres et de sursis

À l’heure où s’achève l’année 2025, l’heure du bilan s’impose. Douze mois se referment, riches en discours mais pauvres en faits, rappelant une fois encore que les arts et la culture demeurent, au Tchad, le dernier wagon d’un train national déjà éprouvé. Dans un pays où les secteurs prioritaires se bousculent, celui de la création peine encore à trouver sa place, son souffle, et surtout ses moyens.
Depuis des décennies, le paysage culturel tchadien échappe aux statistiques officielles. L’année 2025 n’a pas dérogé à la règle. Sur 365 jours d’activités, seuls deux événements, soutenus par le Ministère de la Culture, émergent des registres informels : le Festival Dari programmé pour le mois en cours et le Mois du Livre déjà réalisé.
À cela s’ajoutent un atelier consacré au Code du cinéma tchadien et la tournée nationale du Ministre de la Culture. Une liste courte, trop courte, qui peine à masquer le vide institutionnel.
Le reste repose sur des initiatives privées, héroïques parfois, isolées toujours. Ces festivals, montés à bout de bras par des promoteurs locaux, survivent sans aucun accompagnement public, comme des poches de résistance dans un désert culturel.
Il y a un paradoxe tenace qui mérite d’être relevé : “Le Ministère n’a pas d’argent”. Le refrain est connu, ressassé au point d’en devenir presque indécent : « Le ministère de la Culture n’a pas d’argent ». Pourtant, quelques questions demeurent en suspens : Où a-t-on trouver les fonds pour soutenir le FESPACO ? Où trouve-t-on les fonds pour financer le Festival Dari ? Où trouve-t-on les fonds pour couvrir une tournée ministérielle jugée dispendieuse dans le Nord du pays ?
Pendant ce temps, des centaines de projets déposés par les artistes reçoivent pour seule réponse un écho creux, mécanique, usé par la répétition.
Le Chef de l’État avait promis, pour le quinquennat en cours, la mobilisation de 100 milliards de FCFA en faveur des arts et cultures. Trois ans après, où en sommes-nous ?
Les infrastructures d’accueil et de formation sont quasi inexistantes. La seule salle de cinéma fonctionnelle, fruit d’un effort acharné d’Issa Serge Coello, est aujourd’hui fermée.
Des festivals majeurs comme Fest’Africa, autrefois fiers porte-étendards de la littérature africaine, ont quitté le pays, lassés du manque d’attention institutionnelle. D’autres, tels que Souar Souar, le Festival de Théâtre Afro-Arabe, etc., sont en hibernation prolongée.
Quelques structures, comme Ndjam-Vi ou Fuadpub, ne survivent qu’au prix de sacrifices colossaux.
Un patrimoine en péril : des institutions moribondes et création en chute libre. Le tableau est sombre.
Le Ballet National, jadis fierté du pays, sombre aujourd’hui dans un chaos silencieux. Son répertoire s’est fossilisé, son authenticité, naguère précieuse, décline au fil des années. Le théâtre, la danse, la musique suivent le même chemin : essoufflés, sans moyens, sans perspectives.
Le quotidien, lui, est devenu un théâtre bien plus retentissant, morosité économique, flambée du coût de la vie, conflits intercommunautaires, violences localisées… autant de drames qui éclipsent la scène artistique, reléguée à l’arrière-scène d’une société en tension.
Le Bureau Tchadien des Droits d’Auteurs (BUTDRA), censé protéger les créateurs, ne remplit plus son rôle. Les lacunes sont connues : procédures inadéquates, gestion décriée par les sociétaires, absence de véritables mécanismes de contrôle, Assemblées générales rarement tenues,
Les artistes, eux, attendent. Et reçoivent, au terme d’une année entière, des redevances dérisoires : 25 000 FCFA, parfois moins. Pendant que les primes mensuelles du personnel administratif atteignent des montants cent fois supérieurs. Un déséquilibre qui frise l’indécence et alimente les rancœurs.
Des infrastructures fantômes. Les Maisons de culture, bâties à coups de milliards, sont aujourd’hui des friches modernes. Mal équipées, sous-financées, parfois abandonnées, elles incarnent l’échec d’une politique bâtie sur la pierre plutôt que sur la vision.
Parallèlement, les repères culturels s’effritent : identité fragilisée, patrimoine immatériel menacé, repli identitaire, fractures communautaires… A cela s’ajoutent : l’absence d’un statut officiel de l’artiste tchadien, l’inexistence d’un cadre juridique favorable aux entrepreneurs culturels, le manque d’infrastructures techniques pour créer, produire et diffuser et une piraterie endémique qui achève d’asphyxier les créateurs.
L’année 2025 laisse ainsi un goût amer. La culture a survécu, plus qu’elle n’a vécu. Elle a tenu sur la volonté de quelques-uns, sur la passion d’irréductibles, sur l’intuition que le pays ne peut exister durablement sans raconter son histoire, sans transmettre ses valeurs, sans cultiver son imaginaire.
Mais pour combien de temps encore pourrait-elle tenir ainsi ?
2026 apportera-t-elle enfin le sursaut tant attendu, ou la culture tchadienne restera-t-elle condamnée à survivre plutôt qu’à vivre ?
Bonne fête de fin d’année

Abdel-rahaman Mba’g Bousso

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